Un petit café? {Jade et Réphia}

Un nouveau jour dans ma nouvelle ville d'adoption. Bien sur, je n'ai pas dormis cette nuit, comme toutes les autres nuits depuis maintenant 30 ans. J'ai finis d'installer le peu d'affaires que je possède, j'ai aussi beaucoup réfléchis. Cela ne fait que trois jours que je suis à Legendburgh et pourtant, tout m'inspire que confiance et sérénité en l'avenir. J'ai rencontré les filles du créateur de cette ville écossaise, j'ai appris qu'elles étaient vampires, tout comme moi. Je peux déjà pratiquement les compter parmi mes amis, les premières à Legendburgh. Et d'une façon générale, les premières amies que je me fais. J'ai aussi un emploi, je ne serais donc pas à la rue, ni dans le besoin. De ce fait, je ne peux me départir du sourire qui s'est accroché à mes lèvres, ni de la joie qui s'installe peu à peu en moi.
Il est encore un peu tôt lorsque je sors de chez moi, les bras remplis de magasines dans lesquels j'espère trouver de quoi aménager complètement mon appartement. C'est juste un premier repérage, voir ce que je vais pouvoir m'offrir avec ma première paye. Il y' a un café pas très loin de chez moi, je décide de m'y rendre. Je n'ai besoin ni de manger, ni de boire mais j'ai une irrésistible envie de me mélanger à la foule matinale. Je m'installe au comptoir, commande un café court. J'ouvre mes magasines, mon feutre rouge et commence ma prospection du mobilier idéal.
C'est à peine si je remarque la jeune femme qui s'installe à côté de moi au comptoir. Je la regarde brièvement, sans tourner la tête. Elle semble tendue, regardant tout autour d'elle. Attend-t-elle quelqu'un? Paranoïaque peut être? Peut importe, je me replonge dans mes magasines, sans lui prêter une attention particulière. Jusqu'à ce que je me sente observée. Je me retourne alors vers la jeune femme. Elle a les yeux posés sur moi, ses pupilles me regardent fixement, sans bouger. Je détourne une nouvelle fois la tête, gênée. Pourquoi me regarde-t-elle? Y a-t-il eu quoi que ce soit dans mon comportement qui ai trahis ma véritable nature? Je faisais pourtant attention à imiter le plus possible la maladresse humaine, mais c'était si difficile... La sensation d'être observée ne me quittait pas et je retournais à nouveau la tête vers la jeune inconnue. Je soutins son regard, attendant qu'elle brise le silence. Je l'observais, mémorisant ses traits, qui n'avaient rien de vampirique. Du moins c'est ce que je crois. Je ne suis pas une fine observatrice après tout, je n'avais pas remarqué que Constance Hamilfitz était un vampire le jour où je l'ai rencontré. Alors, il était possible que je sois dans l'erreur...


Je peux vous aider?

Sans que je m'en rende vraiment compte, ma voix brisa le silence qui s'élevait comme un mur entre mon interlocutrice et moi. En quoi pourrais-je lui être utile après tout? Je ne connais pas encore très bien la ville.
J'attends sa réponse tout en portant ma tasse de café à mes lèvres. Si j'avais laissé échapper le moindre indice sur ma condition, il me fallait l'éliminer immédiatement et me faire passer pour une humaine affreusement banale.

La jeune femme qui était assise à côté de moi soutint mon regard. Je la détaillais discrètement. Son charmant visage est le plus inexpressif que je n'ai jamais vu. Pas une ébauche de sourire n'illumine son visage fermé. Comme si aucun sentiment ne venait transpercer la couche de sa peau. Comme si la demoiselle était vide. Elle m'apparait comme quelqu'un de sombre. Je devine qu'elle a dû connaître des choses bien désagréables pour se fermer ainsi au monde qui l'entoure. Comment une jeune femme de son âge pourrait-elle apparaître aussi inexpressive sinon?

Elle me répond de sa voix rauque, aux sonorités inhabituelle pour une femme de cet acabit. Ma curiosité me titille, le mystère qui imprègne cette femme m'intrigue. Mais il est encore trop tôt pour poser les questions. Je ne me ferais que passer pour quelqu'un d'extrêmement impoli et d'indiscret. Je détourne alors à nouveau mon regard vers mon magasine. La conversation peut s'arrêter là.

Mais non. Comme si un irrésistible besoin de justifier son attitude la prenait. Quelle étrange chose. Pourquoi les humains ressentent-ils toujours ce besoin de justifier tous leurs faits et gestes? Une chose que je comprends de moins en moins. Je ne tourne pas la tête vers la jeune femme, je fixe le meuble dont elle me parle. Je l'ai encerclé d'un large cercle rouge quelques secondes auparavant. Un petit sourire s'installe sur mes lèvres. Moi je l'aime bien.

Moi je l'aime bien. Mais je dois avouer que j'ai toujours eu des goûts très bizarres! Et pas que en ce qui concerne la décoration d'intérieur.

Je la regarde à nouveau, toujours souriante. J'espère secrètement que mon camouflage d'humaine tient la route. Ma rencontre avec Constance et Calista m'a appris à faire attention à mes paroles, à mes gestes. C'est peut être même exagéré parfois mais du moment que je me fonde dans la masse...

Un élan de sociabilité parfaitement inhabituel m'envahit soudainement. Serait-ce dû au fait que mes deux premières rencontres se sont parfaitement bien déroulées que je souhaite à présent en faire d'autres? Surement.

Je m'appelle Jade Quere.

La jeune femme ne me semble pas être très sociable non plus, je n'attends donc pas forcément de réponse de sa part. Je ne tends pas ma main pour qu'elle la serre, j'ai réussis à me départir de ce réflexe gênant. Je reprends ma tasse de café pour porter le breuvage à mes lèvres.

Je sirote à nouveau mon café, pensant la conversation terminée. De toutes évidences, je n'ai rien à apporter à cette jeune femme qui se choisit des meubles que je n'aime pas. Qu'est ce que ça peut me faire? Je n'ai jamais acheté un meuble de ma vie alors ce n'est pas la peine de faire la connaisseuse.

Moi je l'aime bien. Mais je dois avouer que j'ai toujours eu des goûts très bizarres! Et pas que en ce qui concerne la décoration d'intérieur.

Qu'est ce que je disais... Les humains et leurs justifications. Après tout, c'est ton meuble, poulette, t'en fais ce que tu veux.

Je tourne la tête vers elle. Je vois ben qu'elle essaie d'être sympathique avec son sourire et sa petite blague cherchant à créer un lien. J'ai une tête à vouloir créer des liens? J'ai voulu faire semblant d'être normale, pas m'inventer une amitié. On peut être normale et seule, non?

Je m'appelle Jade Quere. Elle ajoute, souriant toujours.

Qu'est ce que j'ai dit qui puisse la pousser à me donner son nom? Le confie-t-elle à tout le monde? Fait-elle un concours de celle qui donnera son nom au plus grand nombre de personne? Je dois être carrément hors-jeu, moi, si un tel concours existe.

J'acquiesce, afin de montrer que cette information vitale est montée jusqu'à mon cerveau puis regarde à nouveau devant moi, silencieuse. Est-ce qu'une personne normale aurait trouvé étrange qu'une inconnue se présente? Non, je ne pense pas.

Une personne normale est, sinon contente, flattée lorsque quelqu'un lui montre un semblant d'intérêt. Elle en profite, cherchant à se montrer sous son meilleur jour et cherche à faire bonne impression, dans le meilleur de cas.

Et puis après tout, j'ai prévu de rester ici un petit moment, non?

Je n'ai pas envie de faire la conversation avec elle, je n'ai pas envie d'avoir à mentir sur quoi que ce soit. Je ne veux même pas m'intégrer à cette ville. Tout ce que je veux c'est faire mon travail en paix, sans personne pour m'en empêcher.

Et pourtant, je décide tout de même d'ajouter :

J'imagine que c'est simplement parce que j'assume l'erreur que j'ai faite en la regardant un peu trop et en critiquant son meuble. C'est comme si je l'avais moi même invitée à parler. Ce n'était pas le cas, mais bon, puisqu'elle l'a pris comme ça, tant pis. Je n'aurais qu'à partir sans demander mon reste quand j'aurais fini mon café.

Je lui ai dis mon prénom et pourtant, ma vis à vis n' a pas l'air de réagir. Un simple mouvement de tête qu'elle daigne m'accorder, histoire de me faire comprendre qu'elle à comprit ce que je viens de lui dire. Puis elle retourne la tête et fixe à nouveau un point invisible en face d'elle. Il n'y a pas à dire, ce n'est pas l'amabilité qui l'étouffe.

Et pourtant je ne prends pas ombrage de son attitude, au contraire. Comment juger quelqu'un qui vous renvoie à ce que vous étiez il y a encore peu? Car oui, cette femme se faisait le miroir ce que j'étais, juste avant ma rencontre avec Calista. C'est depuis cette rencontre que j'ai décidé de m'ouvrir aux autres, abandonnant cette façade de solitude que je me donnais pour faire fuir les gens et les convaincre de me laisser seule. Alors, je ne peux pas me permettre de juger cette femme...

Je retourne à mon magasine. D'une main je tourne les pages, de l'autre, mes ongles tapotent la petite tasse d'un air nonchalant. Faire comme si... Je ne sais rien de cette femme après tout. Du coin de l'œil, je la regarde discrètement. Et je commence à la comparer à Calista et à Constance. Certes, cette femme est très belle, mais elle n'a rien d'irréelle. Je me méfie, je suis sur mes gardes. pour moi cette femme n'est pas un vampire, j'en suis presque certaine. J'aimerais avoir la confirmation de mes doutes, mais comment amener ce sujet si sensible dans la conversation?

Sa voix brise le silence ainsi que mes réflexions. Elle vient de me donner son prénom, Réphia. C'est un joli prénom et je ravie de pouvoir enfin la dénommer. Me sentant observée, je tourne à nouveau la tête vers ma vis à vis et je lui souris. Je ne rajoute rien, je sens bien que la jeune femme se force à là conversation et je sais combien il est désagréable de se sentir forcée. J'attends donc qu'elle continue de parler, si l'envie lui en dit.

Et c'est ce qu'elle fit à mon grand plaisir. Elle m'apprit qu'elle était nouvelle en ville, tout comme moi. Mon sourire s'élargit alors, il est toujours plus facile de rencontrer de nouvelles personnes qui elles-même ne connaissent personne en ville.

Enchantée Réphia. Je suis moi aussi nouvelle en ville. Qu'est-ce qui t'amène à Legendburgh?

Ma curiosité est décidément bien maladive, j'espère ne pas paraître grossière en posant une telle question aussi directement.
Je la fixe, j'essaye d'adopter un visage le plus avenant possible, afin de l'inviter à continuer la conversation.